Ce village où sont nés mes grands-parents. Ce village où on allait se promener quand on était petits, pour les balades dominicales.
Ce village coincé dans les vignes.
Ce village où le cimetière et la petite chapelle offrent un panorama magnifique sur toute la plaine.
Je t'ai trouvé dans le cimetière, devant la tombe de nos ancêtres.
On s'est posé devant la chapelle, on a parlé vélo, soleil et arbre généalogique.
Il faisait beau, il n'y avait personne, à part deux petits vieux qui prenaient le soleil. On entendait les oiseaux.
On a attendu que les petits vieux partent, et on est allé cueillir des restes de raisins que les vendangeurs ont oublié.
On a mangé nos grains de raisins en regardant le paysage. Silencieux, réchauffés par le soleil.
Puis on a essayé de faire rentrer le vélo dans le coffre, en faisant sortir les coccinelles qui en ont profité pour rentrer dans la voiture.
On est reparti, et on a fait le trajet que tu avais fait en vélo, et tu m'as fait le compte-rendu de ton épopée, les endroits où tu t'étais arrêté, le lavoir où tu avais gouté, les petits chemins que tu avais pris, les passants que tu avais croisé, dans ces petits villages charmants qui entourent la ville.
Et c'est vraiment con, mais ce changement tout bête, ce truc insignifiant, cette petite aventure sans prétention, et ben ça m'a fait du bien.
De revenir dans cet endroit où se promènent les fantômes de la famille, de se laisser réchauffer par le soleil en mangeant du raisin, et de t'écouter, tout fier de ton épopée, ça vaut tout l'or du monde.
C'est à ce type de petit bonheur qu'il faut s'accrocher.
Parce que tu répètes toujours la même chose, et tu ne t'en rends même pas compte.
Parce que tu es une anxieuse sur pattes, et quand tout va bien pour toi, tu ne peux pas t'empêcher de t'amener du stress. Tu ne sais pas vivre sans stress. En stressant de surcoit les gens autour de toi.
Parce que maintenant que je t'ai tenu la main au début, tu imagines que je suis une oreille prête à écouter 24h sur 24.
J'ai l'impression que tu me vois uniquement comme ça, et je sais que tu ne t'en rends pas compte.
C'est triste.
Et depuis quelques temps, ça ne va pas, mais tu ne vois rien.
Je suis venue te voir pendant les vacances, je n'allais pas bien, et pendant 2h tu m'as parlé de la peur de ton déménagement, de la peur de ton futur, de la peur de ton mémoire, de la peur constante dans laquelle tu vis. Et tu ne m'as pas demandé UNE FOIS si je passais de bonnes vacances. Parce que si tu me l'avais demandé, ma chère, je pense que j'aurai éclaté en sanglots. Mais non, tu n'as rien vu, rien d'autre que ton nombril.
Et jeudi, à la BU, je suis désolée mais je n'en pouvais plus. Je n'en peux plus de tes états d'âme, de ton stress, de tes problèmes. Moi aussi j'en ai, on en a tous.
Je suis désolée pour ton amie qui a un cancer, pour laquelle tu t'inquiètes. Je suis désolée de te savoir triste, stressée, en proie à des angoisses.
Mais maintenant, je n'ai plus les épaules assez larges pour supporter tous tes soucis. C'est peut être égoïste, mais je ne peux pas t'aider. Je n'en peux plus.
Je m'effondre déjà sous mes propres soucis.
Quand je pense qu'il t'a quand même fallu plus d'une demi-heure pour que tu te rendes compte que cette conversation me faisait du mal.
Et encore, maintenant, tu crois que j'ai peur d'avoir un cancer à la thyroïde. T'es vraiment fascinante comme fille. Alors je crois que je vais te laisser croire ce que tu veux, comme ça peut être que tu arrêteras de me parler de tout ça. C'est toujours ça de "gagné".
Laisse-moi tranquille, s'il te plait.
Lâche-moi, oublie-moi.
Oui, tu m'as beaucoup aidé autrefois, mais là tu me fais plus de mal qu'autre chose.
Et je ne peux même pas t'en parler, car si je fais ça, toute la promo sera au courant demain que je vais mal. Et ça, ça serait pire que tout.
Définition moderne de la solitude ...
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